Explorant le papier dans sa sculpturalité, l’artiste-designer parisienne Jennifer Hugot aborde ses créations par le biais d’actions répétitives autour de la couleur et du rythme. D’abord le temps de la peinture au pinceau sur papier, composée d’aplats et de géométries abstraites. Ensuite, par la découpe à la main précise, mesurée et cadencée, le papier devient bandelettes. Cette déconstruction systématisée permet à l’artiste de s’extraire de l’image initiale. Enfin, des doigts agiles de l’artiste, apparaît une composition neuve inspirée des entrecroisements de fils de chaîne et de trame du tissage.
Entre tradition et avenir, le programme « Focus sur les Métiers d’Art » permets de soutenir la jeune création et de valoriser les métiers d’art. En 2022, l’Atelier Vis-à-Vis a proposé à Jennifer Hugot un point de rencontre entre art contemporain et métier d’art.
Dans l’estampe sérigraphiée Sergé jaune, illusion et réel cohabitent. Tout n’est qu’impression… « Impression » comme trace psychique laissée par une sensation ou « impression » en tant que procédé de reproduction par pression d’une surface encrée sur un papier qui en reçoit l’empreinte ? Irrévocablement, Jennifer Hugot désoriente notre perception.
Faisant écho au travail de Lucio Fontana et Anni Albers, Jennifer Hugot réinterroge la dimension de la surface par son incision et l’apparence des couleurs par leur juxtaposition et leur mélange. L’organisation logique du tissage est rompue dès que l’on tente d’en chercher le sens. Les plans se superposent et se confondent. De même que cette structure orthogonale en apparence solide, qui se fragilise au contact des tons en dégradé. Les couleurs semblent changer au moment même où elles sont nommées. Jaune citron ou jaune chaud ? L’artiste démontre une fois de plus qu’« avec la couleur, nous ne voyons pas ce que nous voyons, parce que la couleur – le plus relatif des moyens d’expression artistique – offre un nombre incalculable de visages ou d’apparences. Les étudier dans leurs interactions respectives, dans leurs interdépendances, enrichira notre “vision”, du monde, et de nous-mêmes. »*
*Josef Albers, L’interaction des couleurs, 1963